Pourquoi il faut reconnaître et instrumentaliser certaines formes de piratage
Par idoric le mardi, décembre 5 2006, 18:50 - Lien permanent
So we're at a crossroads here. Either we, as a society, decide that copyright is the greater value to society, and take active steps to give up private communications as a concept. Either that, or we decide that the ability to communicate in private, without constant monitoring by authorities, has the greater value - in which case copyright will have to give way. -- Rickard Falkvinge, dans une interview accordée au wikinews anglophone.
Si vous êtes convaincu que lutter efficacement contre tous les piratages, c'est s'attaquer avec réussite à la protection de la vie privée et à la liberté d'expression, alors vous avez déjà compris qu'être pour le droit d'auteur dans toute sa globalité, c'est être contre les deux autres, et que l'usage des avancées technologiques va nous obliger à faire un choix radical. Et même si j'avais été d'accord avec Locke sur le fait que l'idée originale comprend essentiellement une part de la conscience de son inventeur, cela n'y changerait rien, c'est la vie privée et la liberté d'expression que je sauverai.
Cependant, même si on rejette cette idée, il n'en reste pas moins que la propriété intellectuelle a tout son sens en tant que moyen pour favoriser le progrès technologique et l'émergence d'œuvres nouvelles, en accordant, en contre-partie de l'énergie et du temps consacré à la création, un monopole sur les droits d'usage.
J'ouvre ici une petite parenthèse à ce propos : la création étant cumulative, le droit de la propriété intellectuelle devrait s'équilibrer entre l'incitation à créer des innovateurs actuels et la préservation des capacités à utiliser cette création par les créateurs futurs. Ceci nous est magistralement rappelé par Lawrence Lessig dans son livre Culture Libre, dont vous pouvez lire une traduction française ici.
Quoiqu'il en soit, l'idée à retenir pour la suite est que la propriété intellectuelle est un moyen, que le but poursuivi par ce moyen est censé être de maximiser la création de nouvelles oeuvres de l'esprit (même si ça n'est plus le cas en pratique), et que ce moyen s'oppose de plus en plus frontalement à d'autres buts qui, je l'espère, vous apparaissent comme supérieurs, et qui sont la liberté d'expression et la sûreté de la vie privée.
Nous aurions tort de nous arrêter sur ce triste constat portant sur ce que nous perdons et ce que nous sauvons en sacrifiant tout ou partie des droits d'auteur, car même s'il faut renoncer, ne serait-ce que partiellement, à ce moyen particulier, le but lui, subsiste : non seulement il nous faut chercher des moyens qui acceptent les formes de piratage contre lesquels nous renonçons à combattre pour sauvegarder la vie privée et la liberté d'expression, mais il nous faut également chercher à les utiliser. Il n'est plus temps de nous concentrer sur les côtés négatifs du piratage, mais au contraire s'attacher à ses côtés positifs.
J'ai bien l'intention de signaler et commenter sur ce blog les nouvelles initiatives particulièrement pertinentes allant dans ce sens, mais il existe d'hors et déjà un excellent bouquin traîtant de ce sujet et que je vous invite à lire : Du bon usage de la piraterie de Florent Latrive. Je signale également le texte Vendre du vin sans bouteilles : l'économie de l'esprit sur le réseau global de John Perry Barlow. Également, vous aurez noté que j'insiste lourdement sur le fait qu'il n'est peut-être pas nécessaire de renoncer à l'ensemble des droits d'auteur, j'aurais l'occasion de préciser ma pensée dans un futur billet.