Tout d'abord, si on rejette la surveillance, alors les seuls à pouvoir dénoncer un non-respect de la propriété intellectuelle sont d'éventuels témoins directs, et donc tous les usages privés doivent être autorisés (condition 1).

Ensuite, un témoin direct ne dénoncera rien s'il est complice : la copie, à l'identique ou non, doit être autorisée (condition 2).

Or, ces deux conditions ne sont pas suffisante, puisqu'il est possible de redistribuer l'œuvre avec une licence d'utilisation différente : si A distribue une copie à B en interdisant à ce dernier certains usages privés ou la distribution de copies, il contre-dirait les conditions que nous avons énoncé ci-dessus. Pour palier à cette difficulté, il nous faut ajouter l'obligation suivante, connue sous le nom de gauche d'auteur : la licence d'utilisation accompagnant toutes copies devra elle-aussi respecter les conditions 1, 2 et 3 (condition 3) (j'espère que vous appréciez ma formulation récursive).

À ce stade, on peut se demander ce qu'un témoin direct pourrait encore dénoncer ? Tout simplement le non-respect d'un droit à son égard qu'il tenait à faire valoir : les seules obligations que l'on peut imposer doivent prendre la forme d'un droit envers le bénéficiaire d'une copie. Un exemple classique est l'obligation de fournir le code source d'un programme sur toute demande d'un bénéficiaire d'une copie, car sans celui-ci il ne peut étudier son comportement et le modifier.

D'où les remarques importantes suivantes :

  • le gauche d'auteur est réalisable via le droit d'auteur (c'est ce que nous venons de faire), mais la réciproque est fausse ;
  • classiquement, le droit d'auteur sert à imposer des obligations de tous (sauf un) vers un, alors le gauche d'auteur sert (et ne peut servir qu') à imposer des obligations de chacun vers tous (d'où le classique « Gauche d'auteur - tous droits inversés »).

Nous venons de définir une sous-partie du droit d'auteur dont l'application peut être défendue sans pour autant avoir à renoncer à la protection de la vie privé et à la liberté d'expression. Or, puisqu'il faut reconnaître et instrumentaliser certaines formes de piratage, c'est aux modèles économiques reposant sur la création et la distribution d'œuvres distribués sous gauche d'auteur qu'il va falloir nous intéresser. On pourra d'ailleurs dès maintenant noter la réussite de tels modèles dans le monde des logiciels, je parle bien sûr des logiciels libres.