Tout est parti d'un commentaire, sous un billet de Calimaq (par ailleurs passionnant comme toujours). Pour l'équipe de Veni, Vidi, Libri, la licence Creative Commons Zéro¹ (CC0) serait :

Inapplicable en France (notamment en raison de notre conception romantique/personnaliste du droit d'auteur), cette licence opère une véritable renonciation de droits au profit du domaine public.²

Pour bien comprendre, il faut se souvenir que dans le droit français, le droit d'auteur se décompose en deux volets : le droit patrimonial et le droit moral. Ce droit moral stipule que « l'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre »³. Or, les droits moraux sont inaliénables, ce qui implique entre autre que le possesseur de ces droits lui-même ne peut y renoncer !

Cette critique m'apparu d'autant plus étonnante qu'elle contredisait l'association Creative Commons quand celle-ci avait déclaré avoir pris en compte l'inaliénabilité du droit moral dans la rédaction de la licence CC0 :

More challenging yet, many legal systems effectively prohibit any attempt by copyright owners to surrender rights automatically conferred by law, particularly moral rights, even when the author wishing to do so is well informed and resolute about contributing a work to the public domain. […] CC0 helps solve this problem by giving creators a way to waive all their copyright and related rights in their works to the fullest extent allowed by law.

Face à ce « challenge », la solution proposée est ainsi plutôt simple à mettre en œuvre : bien préciser que le renoncement à ses droits est maximal tout en restant dans la limite des lois applicables. L'œuvre est ainsi placée au plus près du domaine public, à défaut de pouvoir y être pleinement. Si on se reporte à la source, le code juridique lui-même de la CC0, on peut ainsi lire :

2. Waiver. To the greatest extent permitted by, but not in contravention of, applicable law, Affirmer hereby overtly, fully, permanently, irrevocably and unconditionally waives, abandons, and surrenders all of Affirmer’s Copyright and Related Rights and associated claims and causes of action, whether now known or unknown (including existing as well as future claims and causes of action), in the Work […]

On peut donc en conclure que la CC0 respecte bel et bien le droit moral, mais en retournant lire le commentaire qui nous a mené ici, j'apprends que c'est plus spécifiquement le droit de paternité qui poserait problème. Il s'agit d'un des droits moraux, qui énonce que « la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulgée ». Il existe effectivement une référence au renoncement à un tel droit :

Works under CC0 do not require attribution. When citing the work, you should not imply endorsement by the author.¹

Mais cette phrase se trouve dans la page de présentation simplifiée de la CC0, qui est accompagnée du disclaimer suivant :

The Commons Deed is not a legal instrument. It is simply a handy reference for understanding the CC0 Legal Code, a human-readable expression of some of its key terms. Think of it as the user-friendly interface to the CC0 Legal Code beneath. This Deed itself has no legal value, and its contents do not appear in CC0.

Cette renonciation n'a donc aucune valeur légale dans la mesure où elle ne se retrouve pas dans le code juridique de la CC0. Sa présence s'explique probablement par le fait qu'elle est pleine de sens pour un public anglophone, le droit moral n'existant pas dans les pays du common law. Dans l'éventualité de l'adaptation française de cette page, il y a fort à parier que cette phrase serait tout simplement retirée.

Enfin, comme le fait remarquer très justement Calimaq, aucune des licences Creative Commons n'a passé l'épreuve du feu, à savoir un jugement posant la question de leur validité en France, mais finalement il n'y a aucune raison de penser que la licence CC0 serait plus sujette à caution que les autres. Mieux, elle prend en compte le risque de sa propre invalidation :

3. Public License Fallback. Should any part of the Waiver for any reason be judged legally invalid or ineffective under applicable law, then the Waiver shall be preserved to the maximum extent permitted taking into account Affirmer's express Statement of Purpose.

Ainsi, si une disposition de la CC0 devait être invalidée, cela n'entrainerait pas l'invalidation de l'ensemble du texte et préserverait ses autres dispositions.