Donner des oreilles à l'écrivain et une bouche au lecteur
Par idoric le jeudi, septembre 13 2007, 18:51 - Lien permanent
1) Le livre, ce mur d'incompréhension entre l'écrivain et le lecteur !
N'avez-vous jamais eu envie d'entrer dans une BD pour voir ce qu'elle ne vous montre pas ? N'avez-vous jamais sauté des pages d'un livre ? Que soit pour mettre fin à un suspens insoutenable, ou au contraire à un suspens éventé et arriver plus vite à ce que vous n'avez pas déjà deviné par vous-même. N'avez-vous jamais perdu tout intérêt à découvrir la suite quand surgit l'incohérence ? Ne vous êtes-vous jamais dit « et si ?»
C'était tellement plus facile quand vous étiez enfant et que vos parents vous racontaient une histoire. Si on voulait en savoir plus, il suffisait de demander («comment elle s'appele la servante de la princesse ?»). Si on avait une idée bien précise de ce qui allait se passer, on pouvait fièrement s'en expliquer au lieu d'attendre que ça devienne de nouveau intéressant («pour tuer le troll, le chevalier, il peut faire comme ça...»). Si on n'avait aucune idée de la manière dont le héros pouvait s'en sortir, il était impossible d'échapper à la mise en scène parentale. Et si on vous racontait n'importe-quoi, vous pouviez le faire savoir rapidement («ce n'est pas possible, il a déjà utilisé sa potion»).
Si le livre a permis d'amener des histoires au plus grand nombre aux siècles précédents, et plus récemment les récits sonores, la bd et la vidéo, ils ont du même coup fait de ces histoires des histoires figées, des natures mortes. Si seulement le récit pouvait se développer au fur et à mesure qu'on le découvre, en fonction des réflexions qui nous y laissont... mais attendez, c'est maintenant tout à fait possible avec internet !
2) Histoire libre, récit interactif, même combat !
2.1) L'interaction réclame la liberté
Quand le partage des tâches se brouille, qu'il n'y a plus une personne qui dit d'un côté, et une qui écoute de l'autre, bref quand l'oeuvre qui se crée est le fruit de l'interaction et des idées des différents protagonistes, alors les différents co-créateurs ont tous la légitimité de (ré)utiliser librement celle-ci. Même une seule idée, une seule directive, impose son empreinte au résultat final, et la seule personne susceptible de juger de l'importance de cette empreinte est la personne qui l'a émise. C'est pourquoi la co-création, si elle se veut équitable, impose l'usage d'une licence libre.
2.2) La liberté appelle l'interaction
L'usage d'une licence libre étant posé, on peut s'interroger sur la manière de se faire rémunérer pour un travail de création. Le principe même des licences libres implique de renoncer à être payé pour chaque copie qui est produite, on ne peut donc être payé que sur le travail de création lui-même, et une seule fois.
Le financement par un mécéne est une éventualité à ne surtout pas négliger, mais on ne peut compter sur l'existence d'une ou plusieurs personnes prêtes à payer pour les autres, ce qui est le cas si on paye pour la création d'un livre librement redistribuable, mais qui ne l'est plus si on paye pour une expérience personnelle, où l'on est à la fois acteur et spectateur, lecteur et écrivain, où nos vues se confrontent à celles d'un autre pour créer une interaction unique, toujours différentes suivant les autres protagonistes et nos états d'esprit au moment où elle se produit.
Ainsi, faire durablement commerce dans la production de récits libres impose d'user d'un modèle co-créatif.
Ceci est d'autant plus important à noter que lutter efficacement contre tous les piratages, c'est s'attaquer avec réussite à la protection de la vie privée et à la liberté d'expression, ce qui amène à reconnaître et instrumentaliser certaines formes de piratage. Or les contenus libres sous gauche d'auteur répondent à ce besoin de reconnaissance, et il faut donc voir comment instrumentaliser ces nouvelles libertés au mieux et créer les nouveaux modèles économiques adaptés.
3) Des contraintes qui stimulent l'imaginaire !
La co-création d'une oeuvre littéraire libre peut se faire sur la base d'une libre coopération : en cas de désaccord quant à la poursuite du projet, chacun est libre de prendre la voie à laquelle il tenait.
Mais contre rémunération, la situation est tout différente. Le lecteur/payeur attend d'avoir un réel pouvoir de contrainte sur l'écrivain/salarié, qui n'est pas un simple secrétaire et conserve donc un certain degré de liberté. dans le cadre d'une co-création (libre) contractuelle, il est nécessaire de s'entendre sur le partage des pouvoirs, en veillant à ce que les choix du lecteur soient ouverts pour que celui-ci soit réellement acteur, et non pas simple lecteur d'un livre dont vous êtes le héros. Ces contraintes limitent les actions des différents acteurs, créant un problème nouveau pour chaque variante des règles du jeu. _Tout l'intérêt est alors d'imaginer les solutions face aux contraintes posées_.
Que les participants soient en compétition ou en coopération, les règles du jeu possibles sont infinies : on pensera aux parties de jeux de rôles (éventuellement par correspondance), aux mmorpg, au professeur shmurtz qui répond à sa façon aux questions des internautes, aux internautes qui confrontent leur sagacité face aux Picto Patato d'Everland...
Commentaires
Ça fait presque 9 mois (!) que j'ai cet article en tête, et enfin je le mets en ligne :)