La disposition de clavier bépo
Par idoric le mercredi, mai 6 2009, 19:02 - Lien permanent
En réponse à une question de nicoz, je vais vous parler un peu de la disposition de clavier bépo. La page de présentation du site dédié présentant clairement les pourquoi et les comment, je vous invite à la lire :) Quant à moi, je vais plutôt refaire le cheminement qui s'est étalé sur de nombreuses années et qui m'a finalement amené à ce choix.
1. Il manque des caractères du français sur la disposition azerty !
Après tant d'année, je m'étonne encore que le clavier livré par défaut en France, le clavier azerty, ne permette pas de taper certains caractères du français : æ Æ œ Œ « » É È À Ù Ç Ç Ÿ (pour rappel les majuscules et les capitales s'écrivent en principe avec les accents et autres diacritiques) les tirets cadratin et demi-cadratin l'espace insécable …
On me rétorquera que les traitements de texte contournent le problème via la correction automatique, mais cela n'est d'aucune utilité pour écrire le paragraphe précédent et ne règle en rien le problème pour écrire correctement dans toutes les autres applications. Je ne sais pas pour vous, mais moi j'écris plus souvent dans un navigateur que dans un traitement de texte.
Un sélectionneur graphique de caractères permet d'injecter un caractère quelconque dans n'importe quelle application, mais oblige régulièrement à abandonner le clavier pour partir rechercher avec la souris le caractère qui lui manque.
Sous Windows vous pouvez obtenir certains caractères en appuyant sur 4 chiffres tout en maintenant la touche Alt enfoncée (par exemple Alt + 0200 = È). La seule personne de ma connaissance ayant adopté durablement cette approche a fini par scotcher les combinaisons sur le dessus de son écran…
D'autant qu'il y a plus simple : à bien y réfléchir, certaines combinaisons de touches sont libres sur la disposition azerty, il suffit donc de leur attribuer les caractères manquants :) Ainsi, Linux exploite depuis toujours ces combinaisons vacantes. Et de nos jours, la disposition azerty « augmentée » pas défaut est la variante dite « fr-oss » dont j'avais déjà longuement parlé. J'ai longtemps utilisé cette méthode qui est bien plus efficace que les précédentes et qui ne nécessite qu'un très faible investissement à la différence des méthodes de la deuxième partie.
2. La disposition azerty n'est pas optimisée pour la frappe en français
La disposition de clavier « fr-oss » souffre quand même d'un inconvénient majeur : les caractères manquants se retrouvent sur des combinaisons de touches difficiles d'accès puisque ce sont celles-ci qui restent. D'où l'idée de ne plus se contenter de compléter le clavier azerty, mais de radicalement changer la disposition du clavier.
Le clavier canadien multilingue a longtemps été soutenu sur les forums, mais à bien y regarder son seul mérite était d'exister, car il est encore pire que l'azerty. En effet, il devient encore plus difficile de taper les é è à minuscules… Tout simplement parce qu'il s'agit d'un clavier qwerty augmenté, qui est une disposition conçue pour la langue anglaise !
Et c'est là que ça devient affligeant : non seulement le clavier azerty censé être fait pour le français dérive de cette disposition qwerty faite pour l'anglais, mais pire cette dernière a elle-même été pensée pour… ralentir la frappe et non pour l'optimiser ! En fait, les premières machines à écrire se bloquaient quand on frappait trop vite, les caractères ont donc été volontairement disposés de la pire manière possible, et la disposition est restée. Cela aurait pu se limiter à la question de la vitesse de frappe, mais cette disposition de clavier augmente les risques de tendinites et de troubles musculosquelettiques en augmentant inutilement le déplacement des doigts et des mains, et c'est encore plus vrai pour l'azerty où des caractères aussi courants que é è ou à sont rejettés deux lignes au-dessus de la ligne de repos, pendant que les k z et w occupent des places de choix.
Pourtant un certain August Dvorak a dès 1932 conçu un clavier portant son nom et optimisé pour la langue anglaise, mais à l'époque cela aurait couté trop cher en reformation des dactylos et en remplacement de matériel. Pour ceux qui lisent l'anglais, voici toute l'histoire.
Or, le travail réalisé par Dvorak l'a été aussi pour le français. Il l'a même été fait quatre fois ! Il nous reste aujourd'hui les claviers dvorak-fr et bépo. Le premier présente des inconvénients sur le clavier bépo, mais en plus (et surtout) il est propriétaire et ne peut donc même pas être intégré aux distributions Linux ! À noter que j'ai retrouvé sur le bépo tous les caractères de la disposition « fr-oss » absents de l'azerty et qui m'étaient utiles (par exemple ± ÷ × ≤ ≥ ¬). Évidemment des choix ont du être faits, et aucun clavier n'est parfait pour tous les usages, mais cela ne doit pas faire oublier que le bépo est infiniment supérieur à l'azerty.
En résumé : quitte à apprendre une nouvelle disposition, autant apprendre la disposition de clavier bépo. À noter qu'une bonne frappe à dix doigts se faisant à l'aveugle, ce n'est pas un problème si physiquement le clavier est un clavier azerty, au contraire cela empêche de tricher ;) D'ailleurs, bien qu'ayant maintenant un clavier bépo sur mon fixe (TypeMatrix), je tape actuellement ce texte sur mon portable dont le clavier est imprimé azerty. Ceci étant dit, même sur un portable il est possible de « bépo-iser » le clavier : BeauJoie, qui aura bien aidé à la diffusion du clavier canadien multilingue, propose une planche d'autocollants pour la disposition bépo. (AJOUT : j'ai depuis appliqué cette technique à ce clavier de portable, voir mon nouveau billet Bricolage : faire un clavier bépo avec les autocollants Beaujoie)
Je ne peux juger sur la vitesse de frappe maximale : je tape en azerty depuis 15 ans… Cependant la disposition est plus facile à retenir car plus logique : le Œ est sur la même touche que le O (idem pour le Æ et le A), la virgule est avec le point-virgule, les deux points et les points de suspension sont avec le point simple… Et quand bien même je n'irais jamais plus vite mais juste aussi vite (même si c'est peu probable, j'espère pouvoir en reparler dans moins de 15 ans ;)), je n'ai plus de douleurs articulaires après avoir tapé un long texte, et ça, ça n'a pas de prix :)
Commentaires
Salut,
Je m'étais déjà un peu intéressé à bépo a vrai dire, mais j'ai toujours été rebuté par deux problèmes ; le temps d'apprentissage et le changement de PC. À l'heure actuelle, je tape assez bien en azerty et avec des combinaisons, comme tu le dis, j'ai accès à «, », œ, etc. Et puis, je n'utilise pas que mon PC, et le fait de passer d'azerty à bépo ou de bépo à azerty, je ne le sens pas extrêmement bien ! Tu me diras, il y a toujours l'archive nomade, http://clavier-dvorak.org/wiki/Inst... . En fin de compte, je suis toujours tiraillé entre le relatif bon fonctionnement de ma frappe avec azerty et les apports non négligeables de bépo (TMS, vitesse ? principalement), qui nécessite tout de même un bon investissement avant de pouvoir aligner trois mot en moins de 15 minutes. :P
Entre les deux, mon cœur balance donc, même si un jour je m'y mettrais sans doute.
Merci en tout cas pour ce petit billet très instructif, ce genre d'expérience personnelle est toujours assez intéressant, surtout quand on hésite !
> « Et puis, je n'utilise pas que mon PC, et le fait de passer d'azerty à bépo ou de bépo à azerty, je ne le sens pas extrêmement bien ! »
J'avais oublié que j'avais eu peur de ça aussi, mais finalement, quand je me retrouve sur un azerty, je tape en regardant le clavier et au bout de trente secondes à une minute c'est reparti pour de bon :) Bref, ça ne s'efface pas comme ça, c'est comme le vélo ;)
> « qui nécessite tout de même un bon investissement avant de pouvoir aligner trois mot en moins de 15 minutes. »
À raison d'une demi-heure par jour (les leçons de XUL Typist) j'avais passé le clavier entier en revue et j'en étais à 80 cpm au bout de deux semaines. Après j'ai laissé tomber un moment et j'ai repris il y a peu en prévision de l'arrivée de mon clavier TypeMatrix. J'en suis à 140 cpm. Ce n'est certe pas du niveau de ma frappe en azerty, mais ça continue à progresser rapidement.
> « (TMS, vitesse ? principalement) »
Comme je l'ai dit, pour la vitesse il est trop tôt pour que je puisse conclure (même si je commence à avoir mon idée). Pour les TMS, c'est totalement empirique mais je crois mes poignets quand ils me disent qu'ils ont moins mal, et donc pour moi il n'y a pas photo.
> « Merci en tout cas pour ce petit billet très instructif »
Merci à toi de m'avoir lu.
Tiens, on parle de moi...
Pour l'aide-mémoire scotché au dessus de mon écran, ce n'est le cas qu'au boulot. À la maison, les combinaisons me reviennent de mémoire de doigt... La preuve, j'ai très bien pu écrire "À la maison" alors qu'on est dimanche...
Je n'ai pas enlevé l'aide-mémoire au boulot car il m'arrive de le regarder pour indiquer aux élèves la combinaison à utiliser. Mes doigts les connaissent "tous seuls" par réflexe, mais je suis incapable de les réciter, sauf en mimant avec mes doigts leur mouvement sur le pavé numérique (tout comme je ne connais pas mon code de carte bleue alors que mes doigts, eux, le connaissent ; idem pour les mots de passe barbares de mes nombreuses messageries...).
Et une légende urbaine, une!
Une petite erreur s'est glissée dans ton explication : la position querty n'a pas été inventée pour ralentir les utilisateurs de machine à écrire! Elle servait à distancer les leviers de frappe pour ne pas qu'ils s'emmêlent!
ça ne va pas faire très sérieux dit comme ça, mais tout est expliqué dans cette bd:
http://dvzine.org/zine/
@carloose
C'est un peu un mélange des deux en fait.
(Là je réexplique pour tout le monde, au passage le lien que tu donnes se trouvait déjà dans mon billet ;)) Sur la toute première machine à écrire les leviers tapaient le rouleau par en dessous (si bien qu'on ne voyait pas ce qu'on tapait…), et ils ne retournaient à leur position de repos que par la seule force de la gravitation (les ressorts ne sont venus qu'après), ce qui n'était pas assez rapide par rapport à la vitesse à laquelle on pouvait taper.
Or au commencement personne n'a pensé à taper avec plus de deux doigts, et donc l'idée du qwerty était aussi de ralentir la frappe en maximisant le déplacement entre chaque frappe.
Mais quoiqu'il en soit, peu importe que ce soit un effet direct ou indirect, l'essentiel est que la disposition qwerty ralentit la frappe, et ça c'est un fait qui n'est malheureusement pas sujet à polémique.